ACCORD COLLECTIF DE GROUPE RELATIF A LA MISE EN OEUVRE DU DROIT A LA DÉCONNEXION DES OUTILS NUMÉRIQUES ENTRE LES SOUSSIGNÉS
Les sociétés du groupe CARREFOUR en France listées en Annexe 1 du présent accord, représentées par Marie-Hélène CHAVIGNY, agissant en qualité de mandataire unique des sociétés concernées, conformément à l’article L. 2232-31 du Code du travail,
Les organisations syndicales représentatives au niveau du groupe CARREFOUR en France prises en la personne de leurs représentants dûment habilités à cet effet conformément à l’article L. 2232-31 du Code du travail, d’une part,
- La Fédération des Services / CONFEDERATION FRANCAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL (C.F.D.T.), représentée par Monsieur Sylvain MACE, Délégué syndical Groupe France,
- Le Syndicat National de |’Encadrement du groupe Carrefour/ LA CONFEDERATION FRANCAISE DE L’ENCADREMENT/ CONFEDERATION GENERALE DES CADRES (SNEC-C.F.E./C.G.C), représenté par Monsieur Thierry FARAUT, Délégué syndical Groupe France
- La Fédération Commerce – Distribution – Services / CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL (C.G.T.), représentée par Monsieur Philippe ALLARD, Délégué syndical Groupe France,
- La F.G.T.A./FORCE OUVRIERE (F.G.T.A./F.O.), représentée par Monsieur Pierre BAREILLE, Délégué syndical dûment mandaté, d’autre part,
Ci-après désignées ensemble << les Parties ››. Il a été convenu, le 07 juillet 2017, le présent accord collectif de Groupe relatif à la mise en œuvre du droit à la déconnexion des outils numériques dans les sociétés du groupe CARREFOUR en France.
Préambule
Depuis plusieurs années, le développement et la multiplication des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC – notamment messagerie électronique, ordinateurs portables, tablettes, téléphonie mobile et smartphones) ont opéré un véritable bouleversement des habitudes et des modes d’organisation du travail. Aujourd’hui, s’il est acquis que le rôle des TIC est déterminant pour l’activité professionnelle quotidienne des salariés, pour l’organisation et le bon fonctionnement des entreprises, et qu’elles sont également porteuses de lien social facilitant les échanges et l’accès à l’information, elles doivent néanmoins être utilisées à bon escient, dans le respect des personnes et de l’équilibre nécessaire entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Dans ce contexte, Carrefour souhaite prendre des engagements forts en matière de bonne utilisation des outils numériques. Ces engagements sont destinés à préserver la santé des salariés en leur garantissant de bonnes conditions et un bon environnement de travail, en particulier s’agissant du respect des durées minimales de repos prévues par la législation en vigueur. Une attention toute particulière doit donc être portée aux conditions d’utilisation des outils numériques afin qu’iIs n’empiètent pas sur la vie personnelle des salariés.
Dans ce cadre, un droit individuel à la déconnexion des outils numériques est reconnu pour tous les salariés et considéré comme fondamental au sein du Groupe Carrefour. Par le présent accord, la volonté de Carrefour est de définir un cadre structuré destiné à assurer la pleine effectivité de l’exercice du droit à la déconnexion par les salariés au travers notamment de la mise en place de mesures précises et ciblées mais également d’une réflexion globale sur l’utilisation des outils numériques et la mise en œuvre d’actions de sensibilisation.
Cet accord s’inscrit :
– dans le cadre des dispositions de l’Accord National interprofessionnel du 19 juin 2013 sur la Qualité de vie au travail et de la loi n“ 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels;
– dans le prolongement des accords négociés au sein du groupe CARREFOUR en France comprenant des mesures relatives à la qualité de vie au travail et de la Charte des 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie signée par Carrefour.
Il marque la détermination de Carrefour à poursuivre et amplifier les actions en faveur d’un bon usage des outils numériques dans l’optique de protéger l’équilibre indispensable entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
Article 1. Champ d’application du présent accord
Le présent accord collectif de Groupe s’applique aux sociétés du groupe CARREFOUR en France pour lesquelles Carrefour détient 50% ou plus de participation et qui figurent en annexe 1 du présent accord et pour lesquelles il y exerce directement le contrôle et le management. En application de l’article L. 2232-31 du Code du travail, le présent accord s’appliquera également automatiquement aux sociétés qui, à l’avenir, intégreront le Groupe et rempliront la condition de détention du capital, contrôle et management visés ci-dessus. En application de l’article L. 2232-33 du Code du travail, il est rappelé que l’ensemble des négociations prévues par le Code du travail au niveau de la société peuvent être engagées et conclues au niveau du Groupe dans les mêmes conditions, sous réserve des adaptations légalement prévues. Les sociétés sont alors dispensées d’engager une négociation obligatoire lorsqu’un accord portant sur le même thème a été conclu au niveau du Groupe.
Le présent accord de Groupe dispense donc les sociétés comprises dans son champ d’application d’engager une négociation au titre du 7° de l’article L.2242-8 du Code du travail. Conformément aux dispositions des articles L. 3121-64 Il 3° et L. 3121-65 Il du Code du travail, les dispositions du présent accord s’appliquent également aux salariés dont la durée de travail est organisée dans le cadre de conventions de forfait annuel en jours travaillés. A ce titre, conformément à l’article L. 2253-5 du Code du travail, les dispositions du présent accord ont vocation à compléter les accords des entreprises instituant, pour certains de leurs salariés, des conventions de forfait en jours travaillés. En revanche, les dispositions du présent accord ne concernent pas les salariés en situation d’astreinte ou de télétravail.
Article 2. Le droit à la déconnexion : bon usage des outils numériques et articulation entre vie professionnelle et vie personnelle
2.2 Principe général
Le droit à la déconnexion des outils numériques (notamment messagerie électronique, ordinateurs portables, tablettes, téléphonie mobile et smartphones) se traduit essentiellement par l’absence formelle d’obligation pour les salariés de se connecter, lire et de répondre aux courriels/SMS (texto), ainsi que de répondre à leur téléphone, en dehors de leur horaire habituel de travail (périodes de repos quotidien, de repos hebdomadaire, de congés payés, de congés exceptionnels, de jours fériés chômés, de jours de repos et de suspension de contrat de travail).
Ainsi, aucune sanction ne peut être adressée à un salarié qui n’aurait pas répondu à un appel téléphonique, à un courriel ou à un SMS qui lui aurait été adressé pendant ses périodes de repos ou de congés.
2.2 Le droit à la déconnexion en dehors des horaires habituels de travail
Les parties s’accordent sur le fait que l’effectivité de l’exercice de cette déconnexion des outils numériques requiert non seulement l’exemplarité de l’encadrement et des dirigeants du Groupe mais également l’implication de tous les salariés. En ce sens, s’il revient en priorité à l’encadrement et aux dirigeants la responsabilité de s’assurer du respect du droit à la déconnexion, chaque salarié doit avoir conscience de ses propres modalités d’utilisation des outils numériques de façon à éviter les excès. Il est donc préconisé aux salariés de ne faire usage des outils numériques et, en particulier, de leur messagerie électronique en dehors de leur temps de travail qu’en cas d’urgence. Par urgence, il est entendu un fait qui ne pourrait pas attendre le retour au travail du salarié sans générer un préjudice important pour l’entreprise.
En conséquence, et en dehors de l’exception d’urgence précitée, le salarié qui, en dehors de son temps de travail, adresserait, prendrait connaissance ou répondrait à des courriel/SMS, ou qui appellerait ou répondrait à son téléphone, ne saurait être considéré comme effectuant une activité professionnelle à la demande de l’employeur.
Pour garantir le droit à la déconnexion, les pratiques suivantes sont, sauf cas d’urgence précité(s), instaurées :
- ne pas envoyer de courriel/SMS ou ne pas contacter par téléphone en dehors des horaires habituels de travail;
- s’interroger sur le moment auquel peut être adressé à un salarié un courriel, un SMS, une notification via les réseaux sociaux ou un appel téléphonique afin de ne pas créer un sentiment d’urgence inapproprié.
Ainsi, pour favoriser cette réflexion, la Direction étudiera la possibilité de faire apparaître un message de sensibilisation au droit à la déconnexion lors delà connexion par le salarié au réseau delà société;
– les e-mails reçus en dehors des heures de travail ne requièrent pas de réponse immédiate.
Ainsi le salarié a la possibilité d’insérer dans les signatures électroniques de sa messagerie une information rappelant le droit à la déconnexion. Les Parties rappellent qu’il est préférable de privilégier la qualité de la réponse à sa rapidité; – configuration d’un message d’absence rappelant éventuellement la personne à contacter en cas d’urgence; – en cas d’urgence précité(s), il est fortement recommandé de contacter le salarié par téléphone ou par SMS.
A tout moment, un salarié peut interpeller son Responsable hiérarchique ou un Responsable Ressources Humaines sur ses éventuelles difficultés à faire valoir son droit à la déconnexion pendant ses temps de repos ou de congés.
Dans ce cas ou suite à un signalement par un tiers, le Responsable hiérarchique ou le Responsable Ressources Humaines peut solliciter auprès des services informatiques, un relevé du nombre des connexions du salarié concerné afin d’évaluer la nature et l’importance du problème rencontré. Le Responsable hiérarchique ou le Responsable Ressources Humaines, après analyse delà situation, prendra les mesures nécessaires afin d’y apporter une solution dans les meilleurs délais. Les différents aspects liés au respect du droit à la déconnexion sont évoqués à l’occasion de l’entretien professionnel annuel. Une rubrique ou une mention spécifique pourra être insérée à cet effet dans le formulaire.
2.3. Mise en place d’une gestion raisonnée des outils numériques et informatiques pendant le temps de travail
Les Parties signataires reconnaissent à nouveau que les TlC font partie intégrante de l’environnement de travail et sont indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise. Elles s’accordent toutefois sur la nécessité de garantir que, pendant le temps de travail, la gestion et l’utilisation des outils numériques :
- privilégient les échanges directs pendant le temps de travail;
- ne se substituent pas au dialogue et aux échanges directs qui contribuent au lien social dans les équipes;
- ne deviennent un facteur ni de sur-sollicitation ni d’isolement du salarié sur le lieu de travail;
- garantissent le maintien d’une relation de qualité et de respect du salarié tant sur le fond que sur la forme;
- ne deviennent pas un mode exclusif d’animation managériale et de transmission des consignes;
- respectent la finalité de ces outils en transmettant au bon interlocuteur la juste information dans la forme adaptée (pourquoi ? qui ? quoi? comment ?);
- ne conduisent pas à une situation de surcharge informationnelle.
En conséquence, il relève de la réflexion collective et, plus particulièrement de l’encadrement, de définir au mieux la gestion de la connexion et de la déconnexion aux outils numériques pendant le temps de travail en fonction tant de l’activité que des nécessités des équipes. 5 Pour cela, l’encadrement veille à déconseiller, pendant leurs réunions, l’envoi de courriel/SMS et la consultation de la messagerie électronique, ainsi que l’émission et la réception d’appels téléphoniques, sauf si l’utilisation des TIC est nécessaire à l’organisation de ces réunions. De même, les Parties conviennent de la mise en place, au retour de congés longue durée (maternité, maladie, …), d’un temps à charge de travail réduite, dont la nécessité est appréciée et les modalités organisées par le Responsable hiérarchique en concertation avec le salarié concerné, durant lequel ce dernier peut se consacrer au traitement des courriels reçus pendant sa période d’absence. Ce temps à charge de travail réduite a pour objectif d’éviter que le salarié concerné ne soit contraint de travailler pendant ses congés ou d’être surchargé à son retour.
Article 3. Formation des acteurs de la prévention concernant l’utilisation des outils numériques
Il est fondamental que les acteurs internes de la prévention (préventeurs, services de santé et sécurité au travail, CHSCT des Services centraux (Sièges), ainsi que l’encadrement dont les équipes utilisent quotidiennement les TIC) soient pleinement formés à l’évaluation et à la détection des risques liés à l’utilisation des outils numériques. Ils doivent donc être en mesure d’apprécier la charge de travail de chacun afin de s’assurer du bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés. Carrefour s’engage donc à assurer la formation des acteurs internes de la prévention sur ces risques dans un délai maximum de 3 ans à compter delà mise en œuvre du présent accord. De même, la cellule d’écoute psychologique mise à la disposition des salariés sera sensibilisée sur les risques liés à la surconnexion.
Article 4. Actions de sensibilisation au bon usage des outils numériques
Carrefour s’engage à mettre en œuvre des actions d’accompagnement, de formation et de sensibilisation de l’ensemble des salariés concernés par l’utilisation des outils numériques. Ces actions pourront notamment prendre les formes suivantes :
- mise en place d’actions de formation sur l’utilisation des outils numériques (compréhension, maîtrise, perfectionnement);
- communication régulière sur les dispositifs relatifs au droit à la déconnexion des outils numériques (par exemple, messages de sensibilisation sur les écrans d’informations, fiche synthétique « Droit à la déconnexion ››,
- diffusion régulière des chartes et bonnes pratiques relatives au bon usage de la messagerie informatique
Article 5. Evolution des nouvelles technologies
Carrefour s’engage également à prendre en considération les évolutions technologiques au sein de ses sociétés et d’en analyser leurs effets sur les équilibres de vie de ses salariés. De même, Carrefour pourra également utiliser certaines de ces évolutions technologiques afin de favoriser une meilleure utilisation par les salariés de leur droit à la déconnexion.
Article 6. Suivi de l’accord
Pour la mise en œuvre de cet accord et durant les 2 premières années d’application, il est créé une commission paritaire de suivi dite «Commission sur le Bon usage des outils numériques et le Droit à la déconnexion ››. Cette commission se réunira au moins une fois par an. Elle sera composée de 2 représentants par organisation syndicale signataire représentative au niveau du périmètre de négociation de cet accord et d’autant de représentants de la Direction. A l’occasion des réunions de cette Commission, un état des lieux (quantitatif et/ou qualitatif) sera présenté sur les actions mises en œuvre pour favoriser le droit à la déconnexion.
Article 7. Durée
Le présent accord, entrant en vigueur le jour qui suit les formalités de dépôt auprès des services compétents, est conclu pour une durée indéterminée.
Article 8. Adhésion
Conformément à l’article L. 2261-3 du Code du travail, toute organisation syndicale représentative, qui n’est pas signataire du présent accord, pourra y adhérer ultérieurement. L’adhésion produira effet à partir du jour qui suivra celui de son dépôt, à la diligence de son ou de ses auteurs, au secrétariat-greffe du Conseil de prud’hommes compétent et à la DIRECCTE.
Cette adhésion sera notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception aux parties signataires dans un délai de huit jours à compter de celle-ci, à la diligence de son ou de ses auteurs.
Article 9. Révision
Chacune des parties signataires ou adhérentes pourra solliciter la révision du présent accord selon les modalités suivantes:
– toute demande de révision devra être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception aux autres parties signataires et adhérentes, et comporter l’indication des dispositions dont la révision est demandée;
– le plus rapidement possible et au plus tard dans un délai de trois mois suivant la réception de cette lettre, les parties signataires et adhérentes devront ouvrir une négociation en vue de la rédaction d’un nouveau texte et, le cas échéant, la conclusion d’un accord de révision.
L’éventuel avenant de révision se substituera de plein droit aux dispositions du présent accord qu’il modifiera.
Article 10. Dénonciation
Le présent accord pourra être dénoncé à tout moment par l’une ou l’autre des parties signataires ou adhérentes sous réserve de respecter un préavis de trois mois. Cette dénonciation devra être notifiée à l’ensemble des autres signataires par lettre recommandée avec accusé de réception et faire l’objet d’un dépôt dont les conditions sont fixées par voie réglementaire. Dans ce cas, la Direction et les organisations syndicales représentatives se réuniront pendant la période de préavis pour discuter des possibilités de conclure un accord de substitution.
Article 11. Publicité et dépôt de l’accord
Conformément à l’article L. 2231-5 du Code du travail, le présent accord sera notifié par la Direction à l’ensemble des organisations syndicales représentatives. Le présent accord sera déposé auprès de la DIRECCTE de son lieu de conclusion, en deux exemplaires, dont une version originale sur support papier signée des parties et une version sur support électronique. Un exemplaire original du présent accord sera également remis au secrétariat greffe du Conseil de prud’hommes de son lieu de conclusion.
Chacun des exemplaires déposés à la DlRECCTE et au Conseil de prud’hommes sera accompagné des documents listés aux articles D. 2231-6 et D. 2231-7 du Code du Travail.
Le présent accord fera l’objet des formalités de publicité prévues aux articles R. 2262-1 et R. 2262-2 du Code du travail.
Fait à Massy, le 07 juillet 2017.


